L'infamie du gouvernement de Vichy

Le début de la deuxième guerre mondialeva stopper l'essor du rugby à XIII. Avec l'armistice du 22 juin 1940 et la création de l'Etat français le 11 juillet de la même année, les orientations données au sport français vont changer. Le sport professionnel est perçu comme opposé aux valeurs que les dirigeants politiques veulent promouvoir. Si l'on joue encore au rugby à XIII le 6 août, Jean Ybarnegary, ministre de la famille et de la Jeunesse, déclare le 22 : "Le sort du rugby à XIII est clair, il a vécu, rayé purement et simplement du sport français..." Au mois d'octobre, un comité d'étude du professionnalisme et de 'amateurisme mis en place par le Commissariat général à l'Education générale et aux Sports, dirigé par Jean Borotra, rend publiques ses conclusions. "Les sports professionnels sont tous supprimés. Un délai de trois ans est accordé au football, à la boxe et à la pelote basque. Pour les autres, tennis, lutte, rugby à XIII, c'est à effet immédiat, ou plutôt le temps que le commissarait général puisse aviser les fédérations intéressées" (extraits du journal l'Auto du 4 octobre 1940). Des associations et des comités régionaux du rugby à XIII gardaient tout de même l'espoir de voir se perpétuer une activité amateur qui constituait un secteur important du rugby à XIII. Mais l'unité du rugby français avait déjà été aménagée. On lit, en effet, dans le journal l'Auto daté du 14 octobre 1940 : "Le rugby à XIII a réintégré la FFR. Le retour à la fédération mère devra être terminé le 15 novembre, et l'on étudiera l'opportunité de pratiquer le rugby à XIII dans le cadre scolaire." Dans le même numéro de ce journal un communiqué du Commissariat général de l'Education physique et des Sports précise : "le 15 septembre, le commissaire général a recu le Dr Ginesty, président de la FFR. Après cette entrevue il a eu un entretien téléphonique avec M. Laborde, puis il a chargé le Dr Voivenel de lui présenter un rapport sur la situation d'ensemble du rugby français. Le 10 octobre, le commissaire général a reçu à Vichy M. Laborde. Après ces consultations successives et examen du rapport du Dr Ginesty, le commissaire général a décidé, dans l'intérêt du sport français, de rétablir l'unité du rugby. Pour des raisons évidentes, l'unité ne peut se faire qu'au sein de la FFR en même temps que sera réorganisée celle-ci. Il a donc été demandé à M. Laborde de spontanément dans le FFR le Ligue qu'il préside. Au nom de la ligue, et dans un esprit d'entier dévouement mis à la cause du sport, M. Laborde a donné son acceptation Une commission composée du Dr Ginesty, du Dr Voivenl et de M. Laborde, à laquelle assistera le commandant Pascot, représentant le commissaire général, se tiendra la semaine prochaine à Toulouse afin de préciser les modalités de cette réintégration qui doit être terminée le 15 novembre. Dans le même temps un comité technique, auquel assistera un réprésentant du commissaire général examinera l'opportunité de faire pratiquer le rugby à XIII dans le cadre scolaire d'une académie, à titre d'expérience et comme jeu préparatoire à un rugby plus rapide. Parallèlement, le Dr Ginesty a été chargé par le commissaire général de réorganiser la FFR selon les directives reçues. Le commissaire général DECRET DE VICHY 1941 Sous le Ministère de Joseph PASCOT International de Rugby à XV Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse. N°5.285 - Décret du 19 Décembre 1941, portant dissolution de l'Association dite Ligue Française de Rugby à XIII. - Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat français, - Vu la loi du 20 décembre 1940 relative à l'Education Nationale et à la Jeunesse, Décrétons: Art. 1 - L'association dite Ligue Française de Rugby à XIII, dont le siège est à Paris, 24 rue Drouot est dissoute, l'agrément lui ayant été refusé. Art. 2 - Le patrimoine de l'association dissoute, en vertu du précédent article, est transféré, sans modification au Comité National des Sports qui en assume toutes les charges et qui sera représenté aux opérations de liquidation par son secrétaire général M. Charles Denis, officier de la Légion d'Honneur. Art. 3 - Le secrétaire d'Etat à l'Education Nationale et à la Jeunesse est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel. Fait à Vichy, Le 29 décembre 1941. Ph. Pétain LE DÉCRET DE VICHY, FACTEUR D’INTERPRÉTATION D’UNE ÉVOLUTION HISTORIQUE DU JEU EN FRANCE par Louis Bonnery 1. INTRODUCTION 2. RAPPEL SUCCINCT DES FAITS 3. DÉPASSER LE SYNDROME DE VICHY 4. AFFIRMER SA CULTURE 5. CONCLUSION 6. BIBLIOGRAPHIE I. 

INTRODUCTION

La construction par Aurélie Luneau et la récente diffusion par France Culture de l’émission, La Fabrique de l’histoire, sur le sujet : « La guerre des rugbys sous Vichy » ( 1) a incontestablement ravivé des passions dans le monde treiziste. Les interprétations et les commentaires sur ce sujet sont en effet loin d’être clos. Les pistes pour explorer ce sujet aux innombrables ramifications sont multiples. Dans un passé très récent qui fait figure d’actualité ,les recherches et sujets généraux et spécialisés sur l’époque de Vichy sont abondants et, bien que la mémoire savante des historiens soit très avancée sur le sujet , cette source est loin d’être tarie. La période des années 90-2000 ponctuée de discours très officiels et d’interrogations multiples sur la période de Vichy a ravivé la mémoire générale et spécifique sur cette époque. Le procès « Papon » (97-98 ), la notion de repentance, les questions des dédommagements des préjudices causés par le gouvernement de Vichy ,les commissions d’enquête historiques mises en place sur cette partie de notre histoire ont contribué à relancer les recherches et par la même à gonfler la littérature générale et spécialisée sur ce sujet. De manière plus spécifique : -Robert Fassolette, ses écrits (1996-1998), et, l’association qu’il préside, Treize Actif (2) -Myke Rylance avec son ouvrage « The Forbiden Game » (3) -Jean Charles Deniau et la Chaîne de télévision Pathé Sport avec le documentaire « Envers et Contre tous » (4) -Marie Georges Buffet, Ministre de la Jeunesse et des Sports qui crée par arrêté du 29 mars 2000 (4) une commission d’historiens et de chercheurs pour expertiser le sport sous Vichy avec le rapport (5) demandé sur cette période, et, aujourd’hui Aurélie Luneau, avec le sujet de l’émission de France Culture, ont abordé et pris en compte cette page d’histoire pour le rugby à treize Français. Toutefois, lorsque Aurélie Luneau, a commencé le repérage et les consultations pour la construction du sujet de son émission, on s’est rapidement rendu compte que la phase de dénonciation et de constat sur cette époque pour le jeu treiziste en France devait être dépassée. Le contexte actuel et la distance du temps ont rendu avec le recul le sujet de la radiation du treize par Vichy, et l’opposition du treize et du quinze moins virulent. Ce qui n’exclue nullement les convictions fermes et les positions nettement affirmées. L’opposition des deux rugbys et la forme prise par le gouvernement de Vichy pour régler le litige est, malheureusement, un sujet très nettement méconnu du grand public encore aujourd’hui. « … le commissariat allait faire montre d’un grand activisme réglementaire , y compris en interdisant purement et simplement telle ou telle activité sportive , parfois sous le prétexte de lutter contre le professionnalisme , comme ce fut le cas pour le rugby à XIII un sport pourtant très populaire à l’époque » - Conclusion du rapport MJS, mars 2002- Par contre la période de Vichy, elle, historiquement reste très largement explorée et fouillée. Restait à savoir ,ou du moins s’interroger pour vérifier, si, les fondements idéologiques qui avaient conduit, vis à vis du rugby à treize à sa radiation perduraient dans les mentalités et dans l’organisation des pratique sportives au lendemain de cette époque et encore aujourd’hui. Restait aussi à savoir, si les courants contradictoires, nés de « l’esprit de Vichy » et ceux nés de l’enthousiasme de la victoire et de la très puissante symbolique de l’Ordonnance d’Alger, qui permit au rugby à treize de vivre à nouveau , s’affrontaient toujours. Vérifier en quelque sorte que le rugby à treize de la France libérée s’était lui même libéré ou était totalement libéré des freins extérieurs à son propre développement ? De l’évolution de ce rapport de force et de ses conséquences, avec l’appui de situations et exemples issus de la vie quotidienne du treize depuis 1944, s ‘interroger sur des possibilités d’interprétation des conditions de l’évolution historique du rugby à treize Français. II. 

RAPPEL SUCCINCT DES FAITS 
1934 6 avril Création de la Ligue française de rugby à XIII à Paris 
 1939 Roanne est Champion de France face à Villeneuve sur Lot et le XIII Catalan remporte la finale de la Coupe de France 3 septembre – Déclaration de guerre 
1940 22 juin - Armistice 22 août - Déclaration de Jean YBARNEGARAY , Ministre de le Famille et de la Jeunesse : « le sort du rugby à treize est clair. Il a vécu , rayé du sport français… » 20 décembre : Loi du 20 décembre 1940 dite « Charte des Sports » 
1941 19 décembre : Décret de dissolution de la LIGUE FRANCAISE DE RUGBY A TREIZE 
1943 2 octobre – Ordonnance d’Alger Article premier : « Sont abrogés tous les textes promulgués depuis le 17 juin 1940 … » 
1944 Septembre à Toulouse : Réunion de reprise pour les anciens dirigeants du rugby à treize 
1945 La notion de délégation de pouvoir est définie pour les fédérations sportives. 
1946 La délégation de pouvoir est accordée à la Ligue Française de rugby à treize 
1947 10 juillet : Texte officiel de l’arbitrage sur les relations entre les XIII et les XV signé sous l’autorité et le contrôle de M. Gaston Roux Directeur général de l’Education Physique et des Sports plus connu sous le nom de « protocole » . 13 juillet : Congrès Fédéral de Bayonne qui décide de la Création de la Fédération Française de Jeu à XIII 
1971 Remise en vigueur du protocole. 
1981 Actualisation du protocole 
1989 Fin du protocole . La délégation de pouvoir est accordée à la Fédération française de Rugby à treize pour gérer la pratique du jeu à treize. 
1993 Par arrêté du 26 novembre la délégation de pouvoir est enfin accordée à la Fédération Française de rugby à treize pour la pratique du rugby à treize. J . O. du 26 janvier 1994 p. 1368 III. 

DÉPASSER LE SYNDROME DE VICHY

 La phase nécessaire et justifiée de la dénonciation et du constat chronique des agissements vis à vis du rugby à treize par les gouvernants de Vichy et particulièrement la Direction de la Jeunesse et des Sports doit être maintenant dépassée. Elle permet certes, de comprendre et d’éclairer toujours un peu plus et mieux le pourquoi et le comment du funeste décret du 19 décembre 1941 qui a rayé le rugby à treize du sport Français. Toutefois cette position permet d’analyser les conditions et les perspectives de la renaissance du jeu. Les issues les plus réalistes nées de ce traumatisme historique qui a conditionné pour son avenir les comportements internes et externes du rugby à treize. Les comportements individuels et collectifs, favorables ou contraires à l’esprit de Vichy ont incontestablement influencé, conditionné, orienté les conditions et les modalités des pratiques concernant le rugby à treize. Cet esprit de Vichy avec son opposé celui de la Libération ont tout deux par la puissance de leurs influences respectives servi de levier aux perspectives du jeu en France pour les années futures en particulier au lendemain de « La cure de silence » . Cette opposition des forces a incontestablement pesé sur l’évolution historique du jeu. Elle a influencé et influence toujours le quotidien de la vie treiziste et la conscience des militants en est plus ou moins alertée et affectée. La gloire après l’oubli dans les années 45-55 reste l’un des exemples les plus marquants de cette phase de dépassement du constat pur et dur des aspects négatifs provoqués par les décisions du gouvernement de Vichy. Au lendemain de la guerre le rugby à treize mort physiquement à survécu idéologiquement. Il a échappé à la mort cérébrale. Un homme et une équipe celle de Paul Barriere vont conduire en mois de 10 ans le rugby à treize au sommets de la gloire sportive en France et dans le Monde. Autour de lui une équipe de dirigeants et de techniciens des plus compétente : Emile Pelot, Rosemblat, André Darmaillac, Albert Falcou , Pierre Mourgues , Claudius Devernois , Marcel Laborde, Maurice Tardy, Fernand Queheillard, Simon Bompunt, Antoine Blain, Robert Samatan, Jean Duhau , René Duffort . En dix années d’un point de départ égal à zéro, le rugby à treize atteint des sommets : Institutionnels, sportifs, financiers et médiatiques . Institutionnellement c’est l’application de l’Ordonnance d’Alger - octobre 1943 - qui permet le redémarrage officiel de la Fédération défunte par radiation. Création de la Fédération Internationale de rugby à treize . Mise en place de la Coupe du Monde des 1954 . Reconnaissance officielle (non sans quelques grincements de dents) par l’ancêtre du CNOSF,le Comité National des Sports, le 3 janvier 1952, créent les conditions d’une pratique de très haut niveau. Dans l’émission d’Aurélie Luneau Paul Barrière dit au sujet de la première rencontre avec les dirigeants du Comité Olympique à cette époque : « Nous avons été très mal reçus » . Cette très bonne organisation ouvre les voies d’une réflexion avant-gardiste sur le statut des joueurs. Déjà avant la guerre le statut du joueur professionnel impulsé par le dirigeant du rugby Quillanais Jean Bourrel et son joueur emblématique Jean Galia est avancé. La notion de joueur indépendant inspirée du cyclisme dans les années 50 est à l’ordre du jour. Dynamique positive et résultats sportifs combinés ouvrent une période faste de recettes. Les milliers de spectateurs présents sur les stades génèrent des millions de recettes . Le 25 décembre 1948 à Perpignan devant 15 000 spectateurs la légendaire équipe des Catalans de France bat l’Australie 20 à 5 . La rencontre internationale France- Nouvelle Zélande jouée le 23 décembre 1951 au Parc des Princes à Paris se déroule devant 26 324 spectateurs payants et laisse une recette guichet de plus de 8 millions de francs de l’époque. L’apogée sportive sera atteinte. La fameuse initiale tournée de 1951 en Australie marquera l’histoire du sport. Sur souhait exprimé par Laurent Roldos ,président , au nom de l’Amicale des Internationaux du Rugby à treize ,le Ministre des Sports, Jean François Lamour décerne la médaille d’or dans la promotion du 14 juillet 2002 aux 13 survivants « ayant participé à la tournée triomphale en Australie en 1951 » - Maurice André –Marseille, Jean Louis Audoubert –Roanne , Maurice Bellan – Roanne, Elie Brousse Roanne ,Vincent Cantoni – Toulouse , Gaston Comes – XIII Catalan, Joseph Crespo – Roanne, Jean Dop – Marseille, Gabriel Genou –Villeneuve, Michel Lopez – Cavaillon, Martin Martin – Carcassonne, Jacques Merquey – Marseille, Edouard Poncinet – Carcassonne. Elle sera suivie de celle de 1955 qui sans être aussi célèbre que celle de 1951 l’égalera sportivement. En 1951 tous les records d’affluence sont battus sur tous les stades ou se produit l’équipe de France. Durant cette période , avec 8 victoires et uniquement 3 défaites internationales, l’Equipe de France est considérée par ses adversaires comme championne du Monde .La France est finaliste de la première coupe du monde organisée en 1954 en France .La finale se déroule le 13 novembre 1954 à Paris devant plus de 30 000 spectateurs. La France s’incline 16 à 12 devant la Grande Bretagne. La fédération dispose d’un championnat structuré avec des équipes dans les grandes villes de France : Paris, Marseille, Bordeaux, Lyon ,Toulouse, Perpignan, Bayonne et ses foyers traditionnels que sont Villeneuve sur Lot, Carcassonne, Lézignan Corbières, Avignon, Cavaillon ,Cahors. Marseille XIII réalise le doublé Coupe-Championnat en 1949. La médiatisation est proportionnelle aux résultats. Des vedettes naissent et contribuent à la légende du jeu. Jean Galia le pionnier, le meilleur avant d’Europe en son temps, qui donnera son nom à un trophée international qui ouvrait la porte d’une véritable coupe d’Europe, Max Rousié dans la génération des pionniers laissera son nom au trophée actuel du championnat de France. Une stèle est érigée en sa mémoire au stade de la porte Pouchet à Paris. Ce stade porte son nom. Puig Aubert, dit Pipette caricaturé anormalement par Jean claude Lombard dans son livre Dieu aime-t-il le rugby ou il le présente comme un des meilleurs arrières mondiaux mais sa carrière fut entravée par son passage, intoléré à l’époque dans les rangs du jeu à treize( x). Le capitaine de l’équipe de France est sacré champion des champions en 1952 par le quotidien l’Equipe. Il succède au palmarès à Alex Jany, Marcel Cerdan, Alain Mimoun et devance en 1952 Louison Bobet. Pipette succède au palmarès de l’Equipe à Thiam Papagalo qui lui remet le trophée le 15 février 1952 au siège du journal. Après son entrée au panthéon du sport français au stade Pierre de Coubertin à Paris, la statue de Puig Aubert est dévoilée au stade Albert Domec de Carcassonne le matin du match de coupe du monde le 1er novembre 2000 . Gilbert Benausse est sacré meilleur joueur de la Coupe du Monde de 1954.En 2001 « Gijou » recevra des mains de la Ministre de la Jeunesse et des sports Marie Georges Buffet le Prix National de carrière sportive décerné par l’Association Française pour un Sport sans Violence et pour le Fair Play. La cérémonie de la remise du prix se déroule le 27 novembre 2001 à la maison du sport Français à Paris. Gilbert Benausse côtoie ce jour là Colette Besson , Championne Olympique du 400 m en 1968, Eric Srecki escrimeur, Champion olympique en 1988 et 92, le handballeur Jackson Richardson 342 sélections en Equipe de France, Champion du Monde en 1995 et 2001. L’arrivée du treize français en 1951 à Marseille est grandiose .Cet évènement est relaté dans les cinquante ans de l’Equipe. Alain Coltier correspondant de l’Equipe à Sydney en octobre 2003 à l’occasion de la Coupe du Monde de rugby à XV confirmera cette aura : « Sydney n’à pas oublié. Le souvenir du Carcassonnais Puig Aubert ,décédé en 1994 subsiste. Le fameux « Pipette », une des gloires françaises du rugby à treize, présenté comme le plus grand arrière de tous les temps …aura marqué les mémoires. C’était il y a cinquante deux ans, en 1951. …..au terme d’un troisième test match décisif, joué au Sydney Cricket Ground nos héros (vainqueurs par le score 35-16) mirent prés de trois heures pour couvrir les 200 mètres qui séparaient le stade de leur hôtel. La place était noire d’une foule délirante… »(3) En mars 2004 une rue de Perpignan prendra le nom de Paul Déjean le héros de la légendaire victoire des Catalans de France face à l’Australie en décembre 1948…. Les matchs internationaux ,finales et rencontres de championnat se déroulent sur les plus grands stades de France : Stade Vélodrome à Marseille, Parc des Princes à Paris, Stade Municipal à Bordeaux, Stadium de Toulouse. Les personnalités intègrent le mouvement : Paul Ricard fonde Marseille XIII en 1946. Les plumes les plus célèbres du journalisme sportif signent les rubriques du treize : Gaston Benac, Marcel de Laborderie, Jacques Godet, Géo Villetan , Pierre About, Gaston Meyer, Géo Lefèvre Henri Garcia qui écrira sur le rugby à treize de cette époque, son fameux « Rugby Champagne » en 1960.Roger Couderc commente pour la radio et la télévision naissante , le rugby à treize. Ce dernier, dans le Midi Olympique du lundi 1er mars 2004, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa mort, est présenté comme le chantre du rugby. Il y est dit textuellement qu’en 1950 il se fait embaucher à la radio par Georges Briquet et que sa vie bascule et qu’en 1956 il fait sa première apparition sur le petit écran dans « Télé Match ». Sur l’une des deux photos qui illustrent l’article il est en train d’interroger avec un micro Gilbert Benausse à l’issue d’un match international de rugby à treize. L’une des explications de cette vague de succès et d’enthousiasme ne peut se comprendre et s’intellectualiser qu’avec une prise en compte plus générale des hommes et de leur état d’esprit à cette époque. Leur leader et le fer de lance de cette dynamique est Paul Barrière. Le plus jeune président toutes générations confondues d’une fédération sportive. A mois de trente ans c’est lui le chef et le concepteur de cette époque extraordinaire pour notre sport. Lui même le dit « j’ai eu une époque extraordinaire parce que j’ai eu des hommes extraordinaires avec moi aussi » Ce qui a été fait reste pour la postérité et l’histoire .Mais l’état d’esprit général de Paul Barrière, des dirigeants qui l’accompagnent et du système global treiziste de cette époque est nourri d’une ferveur et d’une combativité qui autorise les plus grands espoirs de victoire .Le moral d’acier et les convictions sur leurs croyances dans les valeurs humaines et sportives du rugby à treize feront le reste. C’est dans les combats obscurs et impitoyables de la résistance que s’est forgé le moral de vainqueur de l’homme clé de cette époque : Paul Barrière. Paul Barrière a assuré les fonctions de président de la fédération de 1947 à 1955. Originaire de d’Espéraza dans la haute vallée de l’Aude il sera le plus jeune de tous les présidents de la Fédération à ce jour. Comme il se plait à la préciser « j’étais plus jeune que certains des joueurs de l’équipe de France que je dirigeais.. » Ses activités sportives dans le rugby à treize sont complémentaires a des activités très intenses dans l’organisation de la résistance entre 1939 et 1945 . Ses activités culturelles et une forte implication dans le monde de la tauromachie en feront un personnage aux multiples talents et facettes .Il sera incontestablement le président de l’age d’or du rugby à treize en France qu’il a tout aussi incontestablement rapidement et efficacement reconstruit et dirigé pendant son mandat. C’est dans cette partie tout à la fois glorieuse et ténébreuse que se sont tissées les amitiés à la vie à la mort qui perdurent chez les rares survivants aujourd’hui. Cette gloire après l’oubli reste le résultat de luttes acharnées et quotidiennes points par points entre l’institution treiziste et son milieu environnant . Les exemples seraient multiples dans cette période faste ou malgré tout le sport est obligé de s’appeler Jeu. Ou on lui impose un protocole. Ou sur le fond rien n’est réglé. Mais quelque part le treize dans son ensemble avait surmonté les forces du mal de Vichy et celles qui avaient tendance à s’en inspirer.. Toutefois en septembre 1955 Henri Garcia avec une très grande lucidité signait un papier dans l’Equipe que nous pouvons méditer aujourd’hui. IV. 

AFFIRMER SA CULTURE

Le rugby à treize français n’a pas échappé dans son cursus historique aux critères d’évaluation et d’analyse mis en place par tous les observateurs et analystes du phénomène sportif. Sa réalité institutionnelle et culturelle, ainsi que l’image qui a pu en être donnée s’en est ainsi trouvée modifiée par rapport à la perception interne que l’activité peut avoir d’elle même. C’est dans cet écart et dans la volonté de le combler ou de l’agrandir que l’on trouve l’affrontement idéologique et technique sous tendu par les pratiques archaïques et à priori disparues de Vichy et celles plus positives et ambitieuses d’un esprit né de l’enthousiasme des pionniers du jeu en 1934 et de ceux de son renouveau en 1945. Toutefois, après 1945, la vie du treize en France n’arrivera pas à évacuer son traumatisme le plus profond de son histoire qu’à été sa radiation par Vichy. Toutes les évolutions du jeu postérieures à 1945, vont être conditionnées d’une manière plus ou moins lucide par l’affrontement de deux courants . L’un négatif inspiré des pratiques de Vichy et l’autre plus positif issu du mouvement treiziste lui même dans sa volonté de survivre et de se développer. Et , bien entendu, l’énergie à lutter contre des pratiques inspirées de Vichy n’ont pu se concentrer sur des axes de développement et des objectifs choisis par le mouvement lui même. Que ce soit sur un point de vue quantitatif ,qualitatif ,institutionnel voire culturel toutes les analyses et toutes les perspectives sur les causes ou conséquences de cet affrontement de forces antinomiques vont se traduire par des cycles de progression ,de stagnation ou de régression plus ou mois observables ou quantifiables. Institutionnellement C’est l’application et l’interprétation stricte de l’Ordonnance d’Alger qui en abrogeant tous les textes promulgues par le Gouvernement de Vichy ouvre la voie de la re-existence légale du rugby à treize. On peut penser, à tort, que l’application des textes réglementaires relatifs à l’organisation du sport français à cette époque vont contribuer à une reprise sereine du jeu. L’embellie provoquée par les glorieuses années 50 occultent publiquement deux décisions qui vont mobiliser le mouvement et une grande partie de son énergie pendant plus de 40 ans : L’appellation « Jeu » et le « Protocole » Elles donneront lieu à des affrontements jugés parfois « clochemerlesques » entre les deux rugbys et les organismes de tutelle. Ces deux foyers de contestations vont être émailles d’incidents quasi permanents et à plusieurs niveaux entre les deux institutions rivales qui avaient réglé de manière très particulières leurs relations en 1941. Les perspectives sont offertes à la Libération par l’application stricte de l’ordonnance d’Alger, qui abroge tous les textes promulgués par Vichy. C’est sur ce socle juridique faisant force de loi qu’est jetté aux orties le décret de Vichy. Le rugby à treize va désormais renaître et asseoir sa vie future. Toutefois les conditions d’organisation et de réglementation de la pratique sportive en France, obligeront le rugby à treize à s’appeler « Jeu » et ce des 1947. Les derniers coups de boutoirs au sujet de l’appellation seront portes par le président Soppelsa entre 1985 et 1993 En 1993 , à l’issue d’un procès de prés de 8 ans qui va clore des décennies de velléités en la matière le mot rugby a treize pourra légalement être utilisé par le mouvement treiziste. La dernière délégation à reconnaître le mot Rugby à treize et encore pour gérer la pratique du jeu à treize sera celle de 1989. Il faudra attendre l’Arrêté du 26 novembre 1993 accordant la délégation prévue à l’article 17 de la Loi de 1984 sur le sport pour lire que la délégation est accordée à la Fédération Française de rugby à treize pour la pratique du rugby à XIII. Ironie du sort, une erreur de frappe dans la parution initiale de cet Arrêté du 26/11/84 oubliera le X des XIII. Un rectificatif sera publié dans le J.O. du 12 février 1994. A signer un protocole qui définissait son ghetto. Le protocole sera remis de manière plus spectaculaire et plus médiatisée à l’ordre du jour dans les années 1980. Les duels épiques des deux présidents René Mauriès pour les treize et Albert Ferrasse pour les quinze contrasteront avec la dilution du texte initial dans le temps mais surtout avec un rapport de force considérablement modifié entre les treize et les quinze entre 1950 et 1980. 50 ans seront nécessaires pour qu’institutionnellement vis à vis du ministère de tutelle les choses soient remises à leur place. Et que l’entité sportive supérieure le CNOSF n’émette pas les réticences qui avaient été les siennes en 1955. On peut donc très facilement imaginer les joutes , les affrontements ,l’énergie qu’ont du engager les responsables pendant ces années. On peut citer parmi eux les présidents successifs Paul Barrière, Claudius Devernois, Raphael Joué, Pierre Garrouste, Maurice Tardy, Jacques Soppelsa, René Mauries, Jean Paul Verdaguer, Gilbert Dautant qui ont laissé à l’arrivée de Jean Paul Ferré une situation institutionnelle relativement stabilisée et normale Toutefois l’exemple le plus flagrant de la continuité de la non reconnaissance institutionnelle qui rejoint celle mois volontariste d’un appauvrissement culturel reste l’utilisation quasi quotidienne du mot « Jeu à 13 » encore aujourd’hui .Le 13 décembre 2003 dans la rubrique avant-hier de l’Equipe magazine et relative à la semaine du 8 au 14 décembre 1973 il est reproduit l’intégralité de la rencontre France Australie du au stade Gilbert Brutus de Perpignan . Le titre de la rubrique est normalement pour l’époque « JEU A XIII » les Kangourous sont devenus des wallabies. Dans tout le texte qui suit il n’est question que de rugby et des Kangourous ! Cette attitude reste le reflet d’une perception peut-être très globale ou peut être très fine de l’activité. Elle reste au carrefour des courants de pensée qui ont imposé ce nom au jeu de la rugby League en France et ceux qui au contraire ont voulu garder le mot qui est la traduction la plus exacte d’une pratique . Continuer à appeler le rugby à treize, jeu à treize est une erreur aujourd’hui. Changer le nom d’une institution reste un phénomène qui peut sembler compliqué, mais aussi très simple. Changer une culture est moins évident. L’un des derniers exemples en date au sujet de l’utilisation du mot jeu est l’article dans France Soir du pourtant très avisé journaliste en la matière Matthieu Frachon titré le vendredi 19 mars 2004 : " Le Jeu à XIII en souffrance " Le recul du temps permet de mesurer les incidences administratives, fonctionnelles et culturelles provoquées par l’institutionnalisation du mot jeu pour le rugby à treize. Le mot changé, la culture est restée. La fédération est aujourd’hui bien calée sur ses bases institutionnelles. Son organisation administrative est conforme à la législation en cours. Elle n’échappe pas aux courants actuels de l’organisation sportive, à ses exigences, à ses obligations et à ses risques ; Le rugby à treize sera et est jugé sur les bases communes minimales adoptées par le mouvement sportif dans son ensemble. L’affaire devient alors un problème interne au mouvement et à ses responsables ,et , ce sera à lui et ces mêmes responsables de se déterminer pour leurs objectifs et leurs choix futurs. Quantitativement Qualitativement Observation et analyse sont les éléments clés des démarches rationnelles qui ambitionnent d’appréhender les réalités de terrain. En règle générale c’est pour mieux les cerner et envisager des interventions conformes au plus prés des besoins. État des lieux statistiques, bilans, données, chiffrées et enquêtes alimentent à l’infini des banques de données sur tous les sujets. Le sport et le rugby à treize en tant que tel n’échappent pas à ces préoccupations au même titre que les évolutions constantes de son contexte. Ces changements concernent tout autant les repères traditionnels que les indicateurs retenus et qui se trouvent parfois dépassés. Ils sont inévitablement source d’instabilité mais ils ouvrent aussi la voie aux études comparatives et à la mise en place de données dites objectives. A ce jeu là, les objectifs et les démarches ainsi que les résultats qui en découlent prennent des significations multiples. S’affronter des lors sur des données non comparables et d’éléments significatifs qui ne sont plus forcément d’actualité ne peut pas engager des solutions alternatives ou novatrices. Que peut-on donc observer et comparer dans le rugby à treize d’avant et d’après Vichy ? Beaucoup de choses certes. Mais qu’elles sont celles qui par leur présentation et affichage sont de nature à poursuivre les effet négatifs de la radiation ou celles qui poursuivent des objectifs contraires ? Les approches dans leurs aspects quantitatifs et leur souci permanent de chiffrer et celles qualitatives, plus difficilement chiffrables, demandent de gros travaux d’investigation qui fixent leurs propres limites. Toutes ces précautions nous conduisent très rapidement vers la relativisation des conclusions. Avant Vichy tout comme après Vichy le grand sujet d’actualité restera l’estimation du rapport des forces spécifiques du XIII et du XV . La comptabilisation des plus minutieuse du nombre de clubs existants et de leurs adhérents : joueurs, dirigeants, arbitres etc.…. La phase du démarrage en 1934 entamera, ne serait-ce que par les conditions mêmes de ce départ la base quantitative du moment du XV. Ce dynamique positive, en termes de concurrence simple, sera brisée net par le décret de décembre 1941. Au lendemain de l’interdiction les conditions du rapport de force ne sont plus les mêmes. Le phénomène de rupture qui conditionnait le passage du XV au XIII pour un grand nombre de clubs et parmi les plus célèbres Villeneuve, XIII Catalan, Brive, Narbonne n’est plus le même. Les clubs et les équipes ne se créent déjà plus sur le concept de la dissidence. La culture spécifique du treize s’est déjà développée et c’est par pure conviction et choix délibérés que se reconstituent ou pas les associations d’avant guerre et que se créent de nouveaux clubs sur le territoire national. Ce qui est commun à ces deux époques et qui est toujours d’actualité c’est que, quantitativement le système XV ne serait-ce que par son antériorité historique , les moyens utilisée pour combattre le treize et par les conditions internes du treize qu’il conviendrait de fouiller d’avantage à toujours été supérieur. L’écart le plus faible entre les deux est décelable à la veille de la guerre. Toutefois une étude de la répartition géographique des associations treiziste montre une évolution considérable. L’élite dispose d’un maillage territorial conforme à ses objectifs avant la guerre et aussitôt après la guerre. Paris, Lyon, Marseille , Bordeaux ,Bayonne élargissent les zones de pratique immuables que sont Villeneuve sur Lot, Perpignan, Carcassonne, Toulouse, Albi, Avignon, Carpentras , Limoux, Lézignan, Cahors, Roanne. Avant la guerre toujours, le rugby à treize amateur monte le long de la cote Atlantique jusqu’à Nantes en passant par La Rochelle, Saintes, Carquefou, La Tremblade. Il y survivra quelques temps après 1945 pour y disparaître à l’exception de Nantes XIII aujourd’hui. A ces études peuvent aussitôt se joindre celles plus subjectives sur les évolutions techniques du jeu et celles qui le sont tout autant sur la qualité des pratiquants , de leur niveau physique et technique qui ouvre un débat infini. Les performances de l’Equipe de France et son corollaire qu’est le nombre des spectateurs autour des stades de ses rencontres ou de celles plus régulières des clubs ouvre un autre débat. Aujourd’hui si le treize à objectivement concurrencé le XV où le football comme ce fut le cas dans les années 50 à Marseille par exemple, et, si son aire d’influence géographique à évolué, les comparaisons ne sont plus d’actualité. Ce sont les interrogations qui doivent prendre le relais. Les pratiques inspirées de Vichy comme ce fut le cas récemment concernant l’utilisation des terrains de Béziers – ( 1999 )- et Agen – ( 2001 ) - montrent leurs capacités de survie. Mais elles ne suffisent pas pour tout expliquer et justifier. Elles appartiendront aux pratiques d’une certaine concurrence et à la nature profonde des rapports de force. Tout en s’en prévenant le système treiziste doit continuer à les combattre et à les dépasser. Il trouvera son énergie majeure dans l’analyse de ces propres interrogations et dans la poursuite de ses objectifs. Culturellement Parmi les aspects multiples des formes de culture générales ou spécifiques le grand public retient généralement les différentes formes d’occupation d’espaces médiatiques. Le rugby à treize en la matière se sent particulièrement délaissé. Même s’il n’a pas exploité à sa juste valeur la percée importante réalisée entre 1998 et 2002 sur les chaînes thématiques d'AB Sport puis Pathé Sport et Sport + des 470 matchs télévisées et qui ont diffusé les plus hauts niveaux de pratique de ce sport dans le monde et le Championnat de France. Il serait relativement facile de dresser l’inventaire des anomalies sur le sujet. L’exemple le plus récurent reste ,le domaine des relations entre le rugby à treize et la télévision au sens très large et plus particulièrement celle qui est du service public. Ce manque de communication conduit indiscutablement vers un appauvrissement culturel général qui ne correspond pas forcément à la valeur culturelle intrinsèque du jeu. La culture spécifique du treize existe et ce sont ces valeurs qui contribuent à cimenter le lien entre ses adhérents. L’abandon et le manque d’entretien des référentiels culturels classiques tels que traditions, habillage des joueurs, organisation de manifestations , revues dans des tentatives de comparaisons étalées dans le temps et l’espace varient considérablement .Preuve en est l’explosion du marché de l’habillement labellisé ou celui de la présence de maillots australiens dans les cercles spécialisées du rugby à treize français. Ces aspects ne doivent pas nous éloigner des formes de culture et d’éducation plus livresques et maintenant carrément orientées vers des supports techniques nouveaux. Le dernier jeu vidéo sur console produit sur le rugby à treize en anglais pour l’instant et diffusé dans le monde entier fait fureur dans les pays où ce sport est pratiqué. Sa diffusion en France connaît un franc succès en ce début d’année 2004 dans le milieu des jeunes treizistes. L’un des derniers faits les plus significatifs d’un abandon culturel et d’une négligence coupable en la matière par rapport au rugby à treize, à la limite du mépris reste la parution en France de l’ouvrage de David Storey, « This Sporting Life » La traduction de cet ouvrage et sa parution en France – Ma vie sportive, La Fosse aux Ours, Lyon, 2002 - est saluée par les critiques spécialisées de la littérature sportive comme un événement majeur. Benoit Heimermann pour l’Equipe Magazine dit que « la réédition de son chef-d’œuvre est un bonheur…. » (1) Serge Loupien pour Libération parle « d’un modèle du genre…et , de l’un des plus beaux livres jamais publié sur le rugby… » ( 2) La présentation dans la Lettre de l’économie du sport ( 3) reste dans la présentation sur le mot rugby sans plus : « Arthur Machin tente de s’élever au-dessus de sa condition d’ouvrier en intégrant l’équipe de rugby . » Le livre initial est paru en Angleterre en 1960 sous le titre « This Sporting Life ». Son auteur David Storey. Au moment de la parution initiale David Storey est un jeune auteur peu connu. Cet ouvrage lui ouvre les portes de la renommée. David Storey , troisième fils de mineur , est né en 1933 à Wakefield dans le Yorkshire. Il fait ses études primaires à la « Queen Elizabeth Grammar School » de Wakefield. Il s’oriente ensuite vers des études d’art en 1953 à Slade School à Londres. Pour payer ses études il signe un contrat de professionnel de rugby à treize au célébre et très huppé club de Leeds Rugby League en 1952 et intègre l’équipe A du club. Il y jouera quatre saisons. Parallelement ses études sont émaillées de citations et très bon résultats qui commencent à lui ouvrir le portes de la notoriété dans les milieux culturels et artistiques de l’Angleterre. Young Contempories, London Group, West Riding artists entre autres. Au delà de sa pratique professionnelle du treize , David effectue des travaux complémentaires. Il sera tour à tour saisonnier agricole, monteur de chapiteaux et tentes de spectacles , chauffeur de bus et distributeur de courrier. « This Sporting Life » est sa troisième nouvelle écrite mais la première a être publiée. Il lui sera décerné pour cette nouvelle le prix Macmillan Fiction . Cette publication est suivie de « Flight to Camden ». Le succès est immédiat. Devenu dramaturge et romancier David Storey reçoit le Booker Prize en 1976. Le Booker Prize est le plus prestigieux des prix littéraires britanniques. Crée en 1968 il récompense chaque année un œuvre de fiction écrite par un citoyen du Commonwealth ou de la République d’Irlande. Le lauréat reçoit un prix de plusieurs milliers de Livres (50 000 en 2003) mais surtout accède à la notoriété mondiale. This sporting life a dépassé en Grande Bretagne le cadre d’un simple roman sportif. C’est devenu un ouvrage de référence dans les écoles et les universités. Il y est étudié et sert de modèle dans le genre. Il à même inspiré une adaptation cinématographique. Trois ans après la parution du livre il est adapté à l’écran par Lindsay Anderson – qui deviendra palme d’or à Cannes en avec « IF » – sous le titre « Le prix d’un homme ». Richard Harris jouant le rôle principal. L’histoire du livre est celle d’Arthur Machin , le personnage central du livre. Arthur Machin du milieu ouvrier des mineurs sort de sa condition sociale en jouant dans les professionnels du rugby à treize. Les intrigues qui se développent sont toutes sur la toile de fond du milieu treiziste le plus traditionnel du nord de l ‘Angleterre son lieu de naissance et d’expression la plus aboutie et celle du contexte social et culturel des milieux ouvriers de cette région. Les placages ,les dures séances d’entraînement , les matchs gagnés et perdus , les coups et au départ une dent cassée ,les troisièmes mi temps les pintes de bière et le rugby à treize sont omniprésents. Un vrai roman treiziste. L’ouvrage de Dave Storey est adapté à l’écran par le réalisateur, producteur, scénariste Lindsay Anderson. Lindsay Anderson était l’un des plus grands réalisateurs britannique. – Né en 1923 en Inde ,décédé en 1994 en France à Angoulème – et jugé comme l’un des moins conformistes. Son premier long métrage en 1963 est « Le prix d’un homme » , la mise à l’écran de This sporting life . L’acteur principal sera Richard Harris qui obtiendra la même année, pour le rôle dans le film, le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes. Richard Harris ,- Né en 1930 en Irlande , décédé en 2002 à Londres – à joué dans plus de 70 films majeurs dont, les Cannons de Navaronne , Gladiator, Harry Potter, Impitoyable ….., Hélas ! trois fois hélas la parution du livre en France en 2002 provoque une déception égale aux espérances. Salué à grands renforts d’arguments réalistes et objectifs la traduction est indigne de l’auteur et du roman .Nous sommes revenus aux pires heures sombres d’époques que nous pensions révolues. Le mot rugby à treize ne figure nulle part dans la traduction française. Même pas un avertissement ni une mise garde. On à tout simplement remplacé le mot rugby league par rugby sous entendu quinze. Pire à la page du roman initial Arthur Machin, a priori mauvais garçon et joueur rude se fait expulser en cours de match par l’arbitre .Il ne doit pas parler mais il parle à l’arbitre en lui demandant pourquoi c’est lui qui est expulsé du terrain .Il lui précise « il va encore en rester 25 qui vont continuer à se battre… » . La traduction de 25 relativement facile est devenue à la page du livre en français « les autres ».C’est inexcusable ! Il en est de même pour le film en 1963. Il est toujours présenté dans les sites spécialisées avec l’utilisation erronée du sport pratiqué par Arthur Machin : « un ouvrier Frank, n’échappe à sa condition sociale que grâce au sport professionnel, le jeu à XIII…. ». Il ne figure même pas dans la liste des principaux films à thématique sportive dressée par la très sérieuse revue La lettre de l’économie du sport dans son numéro spécial – N° 675 du 19 septembre 2003 et justement relative au thème : Le sport au cinéma. L’observation « parmi les dizaines de milliers de films sortis depuis le début du XIX siècle, force est de constater que les films à thématique sportives ne sont pas très nombreux….Loin de nous l’idée d’en faire une sélection exhaustive…. » se justifie pleinement. En rugby ne figure qu’un seul film, Allez France de Robert Dhéry en 1964. On aurait pu parler de courts métrages treizistes comme « An other Bloody Sunday » ou bien celui du Villeneuvois « Si tu perds gagne »[MANQUE D’INFOS SUR CES SUJETS ] Il est clair que les lois du marché de l’édition ont prévalu dans ces choix. Mais il est clair aussi que ces choix sont significatifs d’une sous estimation de la valeur culturelle du rugby à treize et qu’ils contribuent à son appauvrissement. Nous n’aborderons pas non plus les adaptations française de ce même Storey au théâtre de deux de ses pièces : Home de 1970 et The changing Room en 1972 dans la pièce intitulée Le Vestiaire. Toutes deux restant dans le milieu treiziste anglais d’origine de l’auteur. Le Vestiaire perpétue l’assassinat culturel des œuvres de David Storey en France. Le treize est purement et simplement devenu quinze. L’adaptation et mise en scène de Jean-Pierre Stewart n’émet à aucun moment l’ombre d’un doute sur le thème exact de la pièce. Quelques mots lâches au hasard des commentaires autour de cette pièce, et auxquels ne peuvent être sensibles que les initiés, laissent transpirer malgré tout la tromperie. David Storey est présenté comme « fils de mineur du Yorkshire ….après avoir consacré professionnellement un temps au rugby, il décide de devenir écrivain. Ses pièces connaissent un succès international. » - l’avant scène No 824 du 15 février 1988.Dans cette revue l’éditorial de Christian Montaignac de l’Équipe précise « l’œil et l’écriture d’un Anglais du Yorkshire ne s’accordent pas toujours sur quelques détails avec le rugby tel qu’il se parle et se compose dans notre bon vieux Midi …. ». A la fin de l’acte I juste avant de sortir du vestiaire pour aller sur le terrain Crosby dit « Allez ,en ligne ». Sont alors énumérés les joueurs . « Derrière Owens : Trevor, Patsy, Jagger, tringer, Fenchurch, Copley, Walsh, Clegg, Fielding, Atkinson, Kendal, Morley . Spencer et Moore ,en survêtement, sont entrain d’aider Luke- le masseur- et Sandford – l’entraîneur adjoint -à ramasser ce qu’il faut emporter. Crosby tient la porte » nous sommes dans la configuration exacte d’une équipe de rugby à treize avec ses deux remplaçants qui était la règle en vigueur à cette époque. Effectivement le total des joueurs est de quinze. Les notes du metteur en scène sont très édifiantes : « Avant de traduire une telle pièce, il a fallu que je choisisse entre trois possibilités : A . situer la pièce clairement en Angleterre ,sans aucune transposition française, ce qui risquait de la rendre étrangère ou exotique B. transposer la pièce entièrement dans un contexte français équivalent, donc forcément dans le sud de la France, ce qui comportait des dangers d’images stéréotypées ; C . placer ce vestiaire, de façon presque anonyme, dans la grande banlieue d’une grande ville quelque part en France. C’est la troisième que j’aie adoptée….. Les âges , les tempéraments et les pays d’origine sont tous des éléments qui peuvent être conjugués de façon surprenante – sans trahir bien sur la pièce de David Storey… » La presse spécialisée renforcera les choix délibérés du metteur en scène sans une seule interrogation . L’Express – Pour tout connaître des coulisse du rugby – Marine Vogel Le Nouvel Observateur seul précisera : « lui –même ancien rugbyman professionnel, Storey sait de quoi il parle… » -Bruno Villien Le Point, Le Quotidien de Paris, Le Parisien, L’Agence France Presse ; l’Equipe magazine ne contrarieront jamais la tendance initiale . La leçon terminale rédigée par André Halphen et la réflexion de Thierry Montreuil sur Sport et Théâtre est de la même nature. On peut tout malgré tout remercier l’environnement de cette pièce qui sera élargi à la ville de Paris, des sociétés Adidas, Lee Cooper, la Fondation Elf Aquitaine et Pernod ainsi qu’au regrette Robert Paparemborde qui y collaborera pour avoir reconnu avec unanimité les valeurs portées par la pièce initiale, son auteur et son milieu d’origine. De telles pratiques certes excusables restent condamnables. En négligeant volontairement où involontairement certains de ses aspects culturels elles isolent et cantonnent le mouvement treiziste dans une sorte de sous culture du XV qui n’est pas foncièrement la sienne. Il faut également mettre en avant quelques efforts d’objectivité en la matière. David Peace dans le premier volume,1974, sur sa tétralogie consacrée au Yorkshire- 1974,1977,1980- fait vivre Kelly, « le Grand Espoir Blanc de Wakefield Trinity » de la Ligue. Le traducteur Daniel Lemoine précise dans une note (N.d.T.) qu’il s’agit de jeu à treize qui fait partie de la Rugby League en Grande Bretagne. La vigilance reste nécessaire . Le mouvement treiziste ne doit pas occulter ses dérives et tout faire pour les rectifier. Tout simplement pour préserver ses valeurs culturelles, les développer pour s’enrichir en la matière. 1 L’Equipe Magazine No 1037 30 mars 2002 2 Libération 28 mars 2002 3 La lettre de l’économie du sport No 633 mercredi 16 octobre 2002 4 Le Monde des Livres – 3 mai 2002 5 David Peace- 1974- Rivages /Noir,1999,Paris x Dieu aime-t-il le rugby ? Lombard Jean-Claude -Belle journée en perspective , Ellen, 2003 

 V. CONCLUSION Par l’initiative de son émission sur France Culture, Aurélie Luneau, sans aviver profondément une plaie qui est loin d’être cicatrisée pour les treizistes, a ouvert les voies de nouvelles réflexions sur l’après Vichy pour le rugby à treize français. Les aspects affectifs sur le sujet sont vivaces et l’esprit de révolte et d’indignation n’a pas encore le recul du temps nécessaire pour s’apaiser. Les rancœurs s’estompent sur le fait lui même mais pas du tout sur ses conséquences. La lucidité sur les pratiques anti-treizistes se nourrissent pour un grand nombre d’un héritage culturel né conjointement avec la politique en matière sportive menée par les gouvernants de Vichy et leurs sympathisants. Le système treiziste s’est moralement endurci dans cette épreuve mais a du résoudre des problèmes d’ordre plus techniques depuis. Le socle juridique qui à permis la renaissance du rugby à treize après Vichy n’a jamais été remis en cause. Avec docilité et obéissance ,qui ne signifiaient pas toujours approbation ,le mouvement treiziste s’est toujours conformé à l’application stricte des conditions réglementaires générales fixées au sport Français et à celles plus spécifiques qui lui ont été imposées. Toutefois les pertes de temps et d’énergies consacrées à l’obtention de ses droits légitimes ont été considérables. Les revendications fondamentales qui auraient du logiquement lui être attribuées ont entraîné ces pertes. Restent encore des soubresauts et des velléités qui semblent de plus en plus anachroniques pour le moment présent. Les nier serait une erreur. Les négliger une faute. Avec le temps qui passe Vichy s’éloigne de plus en plus et pour certains est déjà loin. Mais chez d’autres son esprit demeure encore. Le rugby à treize est sorti exsangue de cette longue période de combats pour sa propre existence et sa survie. Depuis le contexte sportif a évolué. Les conditions historiques de sa naissance et de sa renaissance ne peuvent pas occulter les réalités actuelles des rugbys dans le monde. Vichy indiscutablement a voulu tuer le rugby à treize. Ce dernier a su réagir pour survivre et se développer. C’est son grand mérite. Dans un environnement profondément modifié par rapport aux conditions de sa naissance, les successeurs et héritiers des élites militantes et enthousiastes des premiers pas de ce sport en France, et, quasiment réduites à néant par l’inexorable avancée du temps, ne doivent pas se résigner aujourd’hui. La servitude et la dépendance n’ont jamais été les comportements dominants du monde treiziste et doivent l’être encore moins aujourd’hui. D’autres combats attendent aujourd’hui ce sport et sa culture. Certains appartiennent déjà à sa riche histoire . Elle ne doit pas s’arrêter là. VI. 

BIBLIOGRAPHIE 
1- LUNEAU Aurélie-La Fabrique de l’Histoire- Emission Radio diffusée sur France Culture - Lundi 3 novembre 2003 ,15h-16h30. A bas le XIII,Vive le XV,La guerre des rugbys sous Vichy. Documentaire d’Aurélie Luneau réalisé par Véronik Lamendour. 2- DENIAU Jean Charles- Envers et Contre Tous- Documentaire réalisé pour la chaîne Pathé Sport- Diffusé le 1er juin 2001 3 – XIII ACTIF- Association Loi 1901, fondée le 6 décembre 1997. No 98 0004 -25 85 – J.O. du 24/01/1998. 3- Amicale des internationaux de Rugby à treize- Plaquette souvenir pour le 50eeme anniversaire de la tournée de 1951-Narbonne- 27 mai 2001- Imprimerie Cano et Franck- Limoux 4- Coltier Alain –Hommage à « Pipette »- L’Équipe – Samedi 25 octobre 2003 5 RYLANCE Mike – The Forbidden Game- League Publications LTD – Angleterre- 1999 6– STOREY David – This Sporting Life - PENGUIN BOOKS – 1963 7- STOREY David – Ma Vie Sportive – La FOSSE aux OURS, Lyon - 2000 8- STOREY David – Le Vestiaire – L’Avant Scène Théâtre No 824 15 février 1988 Pièce initiale The Changing Room de 1972 9- STOREY David – Home - 1970 10- BONNERY Louis LE Rugby à treize le plus français du monde Cano et Franck Limoux 1996 11- FRACHON Matthieu – Le Jeu à XIII en souffrance- France Soir du vendredi 19 mars 2004-07-21 12- PEACE David – 1974- Payot et Rivages, Paris, 1999
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