Histoire du XIII français

Le rugby français est un grand pêcheur devant l'éternel britannique. N'étant pas toujours très orthodoxe, ses écarts de conduite lui ont valu d'être excommunié par deux fois, en 1913 et en 1931. La perfide Albion ayant été l'anathème sur le douce France, les dirigeants treizistes d'Outre-Manche estimèrent que l'occasion était magnifique pour envoyer un corps expéditionnaire sur le continent. 

La venue des Kangourous en Angleterre, à l'automne de 1933, fut décisive. La directeur de la tournée australienne, Harry Sunderland, donna son accord total et, le 3 octobre 1933 au matin, on vit débarquer à Paris : Harry Sunderland, l'écossais John Wilson, secrétaire générale de la Rugby League, et les très honorables Joe Lewthwalte, Walter Popplewell et Wielfried Gabbat qui devaient, par la suite, se succéder à la présidence de la Rugby League. 

Prendre contact avec des officiels de la FRR, cela n'était pas pensable, il fallait agir par la bande, tâter le terrain. John Wilson, qui avait représenté la Grande-Bretagne en cyclisme aux JO de 1912 à Stockholm, estima que le plus sage serait de prendre contact avec un homme connaissant le mieux la situation du sport en France, son ami Victor Breyer, membre de l'Union Cycliste Internationale et directeur de l'Echo des Sports. John Wilson et Harry Sunderland se mirent d'accord avec Victor Breyer pour organiser un match-démonstration, Angleterre-Australie, le 31 décembre 1933 au stade Pershing. 

Pour ce qui était de prendre contact avec des personnalités du rugby français, Victor Breyer conseilla aux émissaires d'Outre-Manche de voir un jeune journaliste responsable de la rubrique rugby à Sporting et qui n'était autre que Maurice Blein. Les dirigeants de la Rugby League voulaient inviter un groupe de rugbymen français pour faire en Angleterre une tournée d'initiation. "Pour conduire cette tournée, il vous faut non point un officiel en rupture de fédération, mais un joueur qui soit en même temps un chef audacieux et cet homme existe, c'est Jean Galia." affirma Maurice Blein. Jean Galia était l'une des plus fortes personnalités que le rugby français ait produit, celui que les anglais eux-mêmes avaient désigné comme le meilleur avant d'Europe. Grand rugbyman s'il en fût, et homme d'affaires avisé, Jean Galia, ce mois d'octobre de l'an grâce 1933, était un homme en colère. La Fédération venait de la radier pour une ténébreuse affaire. Après avoir signé à Quillan pour 80 000 francs-or, sans que la justice fédérale ait bougé son glaive d'un pouce, Jean Galia était passé à Villeneuve où l'avaient suivi les trois vedettes catalanes, Bardes, Noguères et Serre-Martin. Cela fit un beau remue ménage dans la marre fédérale et plus d'une grenouille cria au scandale. 

Les limiers fédéraux se mirent en piste. On soudoya un postier villeneuvois, chargé de détourner, vers le tribunal fédéral, toute correspondance permettant d'établir que les trois catalans n'étaient pas allés pour des prunes dans la capitale des pruneaux. Un beau jour, l'espion intercepta un télégramme destiné à Noguères où il était question d'une "indemnité de déplacement" et qui était signé : Jean. Comme pour tuer son chien on dit qu'il a la rage, les dirigeants fédéraux, qui n'aimaient guère la forte personnalité de Jean Galia, décrétèrent que ce Jean là c'était Galia. Bien que celui-ci ait affirmé devant les juges fédéraux, et jusqu'à la fin de sa vie, qu'il n'était pas l'auteur du télégramme, il fut radié. Dès ce jour-là, Jean Galia voulut une revanche éclatante.

Contacté par les émissaires de la Rugby League, il accepta de voir le match Angleterre-Australie, le 31 décembre 1933, à Paris. Il faisait un froid glacial le jour de la Saint-Sylvestre mais néanmoins, 20 000 spectateurs envahirent le Stade Pershing pour voir le match Australie-Angleterre. Malgré le terrain verglacé, la démonstration fut un triomphe, la nette victoire de l'Australie (63-13), la vitesse du jeu des Kangourous, stupéfièrent le public français. A la fin du match, John Wilson et Harry Sunderland retrouvèrent Jean Galia qui leur dit simplement : "Pour quand voulez-vous une équipe de France en Angleterre ?" La tournée fut fixée au printemps 1934. 

Jean Galia avait un tel prestige, qu'il n'eut aucune peine à rassembler dix-sept des meilleurs joueurs du moment pour partir avec lui à la découverte du néo-rugby. Les dix-sept pionniers qui, au début du mois de mars, allaient tenter l'aventure étaient les suivants : Galia (C.A Villeneuve), Recarborde (Section Paloise), Duhau (S.A Bordelais), Samatan (S.U Agen), Carrère (R.C Narbonne), Porra (Lyon O.U), Blanc (Capbreton), Petit (S.L Nancy), Mathon (Oyannax), Lambert (Avignon), Barbazanges (Roanne), Nouel (S.A Bordelais), Cassagneau (Esperaza), Amila (Lezignan), Vignals (Toulouse), Dechavanne (Roanne) et Fabre (Lezignan). Les Galia's boys furent battus le 6 mars à Wigan (27-30) puis le surlendemain à Londres, à White City, par les London Highfields et encore le 14 mars à Leeds. Le 17 mars, à Warrington, premier match international entre la sélection de la Rugby League, et nouvelle défaite (16-32). 

La tournée bien que brève, épuisait les français qui découvraient un rugby ultra-rapide. A Hull, le 24 mars, pour leur cinquième match, les Galia's boys obtenaient leur premier succès (26-23), mais nous ne pouvons par tirer une gloire impérissable de cette première victoire des pionners, car ceux-ci , n'étant plus qu'une douzaine encore valides, naturalidèrent illico un joueur de Burnley qui prit le nom d'Eugène Vignial et ce Vignial d'adoption fut le grand artisan du succès des hommes de Galia. 

Enfin, le voyage d'études se terminait à Salford par une lourde défaite (13-35), le 26 mars 1934. Cette tournée, pour un peu brillante qu'elle fût, eut cependant un grand retentissement. Les relations étant rompues à XV avec les britanniques, l'introduction en France du Rugby à XIII allait permettre au public français d'assister à de nouvelles rencontres internationales dans le domaine du ballon ovale. 

 Dès le 6 avril, la Ligue Française de Rugby à XIII déposait ses statuts à la Préfecture de Police de Paris et, chose curieuse, son président était un breton: M. François Cadoret, député-maire de Riec-sur-Belon, les autres membres du Comité Directeur étant MM. Vinson, Galia, Bordeneuve, Machavoine, Meunier, Delbat, Bernat et Maurice Blein. 
La Ligue concluait aussitôt un match France -Angleterre pour le 15 avril au Stade Buffalo. Le succès populaire fut énorme. Des centaines de personnes ne purant entrer dans un stade archi-comble. La FRR envoya quelques perturbateurs pour faire du chahut, mais ils faillirent se faire lyncher par le public. De nombreux joueurs enthousiasmés par le nouveau jeu qu'ils découvraient suivirent la trace des pionniers de Jean Galia. 

La Ligue, recevant des adhésions par centaines, voulut battre le fer pendant qu'il était chaud, c'est pourquoi elle demanda à l'Angleterre de lui envoyer la très forte sélection du Comité du Yorkshire. Cette tournée devait mener les Anglais le 5 mai à Buffalo, le 6 à Villeneuve, le 10 à Bordeaux et le 13 à Pau. Pourtant elle débuta le 1er mai à Lyon. La tournée du Yorkshire fut triomphale et fit éclore des clubs treizistes. Le S.A Villeneuve suivit Jean Galia et Max Rousié et passa à la Ligue en bloc. 

Une fraction du S.A Bordelais avec à sa tête MM. Loze, Queheillard, Pelot et Rosenblat, quittait la FFR et fondait Bordeaux XIII. A Perpignan, c'était le terrible Marcel Laborde, toujours prêt à rompre une lance, qui fondait le XIII Catalan. Le rugby à XIII montait en flèche et faisait sortir le ballon ovale d'un championnat qui sombrait dans la médiocrité d'un jeu stérile, privé du rayonnement des luttes internationales. Même Paris était gagné par la fièvre treiziste. Comme dans un funiculaire, la montée treiziste était accompagnée par la descente quinziste. 

Le néo-rugby clair, rapide, pétillant, attirait une à une les vedettes quinzistes lasses de pauvres matchs internationaux contre l'Allemagne ou la Roumanie. La Ligue venait de découvrir un attaquant de génie, un jeune basque nommé Jean Dauger qui allait faire, avec l'incomparable Max Rousié, un tandem monumental. Un autre attaquant de grande race, la catalan Jep Desclaux, passait à treize et c'est ainsi que le XIII de France, devenu la véritable expression du rugby national, battait l'Angleterre 12-9 chez elle, pour la première fois, le 25 février 1939. Juste revanche, la victoire des Tricolores sur l'éternel ennemi d'Outre-Manche était obtenue à St Helens. 

Tandis que la Ligue triomphait, la FRR dans son congrès de Marseille, le 24 juin 1939, constatait que ses effectifs avaient fondu comme neige au soleil. Ses clubs n'étaient plus que 471; on en comptait 784 en 1930 ! Que serait-il advenu du rugby à XV de ce côté de la Manche sans la seconde guerre mondiale? Il peut sembler paradoxal que la guerre d'abord, l'occupation ensuite, aient sauvé la FRR. extrait de "Rugby Champagne" d' Henri Garcia Le régime pétainiste de Vichy et les rancunes quinzistes interdiront le rugby à XIII pendant l'occupation allemande.

Il faudra attendre la libération pour que la ligue française de Rugby à XIII renaisse de ces cendres. Ralliée à l'amateurisme, le samedi 22 février 1947, Paul Barrière à ses leviers de commande, elle prend l'appellation de Fédération Française de Jeu à XIII. Commence alors une nouvelle période de gloire. En 1951, le XIII de France des Puig-Aubert, Brousse, Dop et Cantoni magistralement guidé par Bob Samatan, Jean Duhau et Antoine Blain atteint son zénith. Sidérée, conquise, l'Australie découvre ce qu'elle considère aujourd'hui encore comme la plus grande équipe de tous les temps.
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